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La Capitale: tomes 1 et 2

Pour leur première exposition – à la fois collective et individuelle – aux Tanneries, Camille Besson (né en 1990 à Nîmes) Raphaël Rossi (né 1988 à Dijon), Maxime Testu (né en 1990 à Rouen) et Victor Vaysse (né en 1989 à Paris) investissent la Petite Galerie d’un ensemble de figures hétérogènes qui soulignent en les confrontant les individualités artistiques comme les réflexions partagées, véritables lames de fond d’une association de personnes contingente et pragmatique.
Issus de formations différentes[1], les quatre jeunes artistes ont en commun une amitié, une pratique de sculpteur – qui repose sur une curiosité pluri-médias exacerbée et un certain sens du système D – ainsi qu’un atelier partagé ouvert en 2016 sur L’Île-Saint-Denis : Le Marquis. Épicentre du « groupe de résistance et de survie » que les quatre acolytes ont formé par « la force des choses » ces dernières années, cet espace de production commun ne donne néanmoins pas lieu à la formation d’un collectif organisé.
Camille Besson, Raphaël Rossi, Maxime Testu et Victor Vaysse développent leurs réflexions et leurs productions côte-à-côte, sur fond d’entre-aide, mais pas ensemble. Ainsi, leur exposition intitulée La Capitale : Tomes 1 et 2 répond-t-elle plus à l’esthétique du showroom – à l’intérieur duquel les œuvres se télescopent au grès de tutoiements plus ou moins conscients – qu’à celle du projet concerté.
[…] On retrouve cette interrogation dans la pratique de Camille Besson qui met sciemment en exergue l’influence d’une économie de production pragmatique sur ses propres réflexions et expérimentations artistiques. Entre télescopages et bricolages de sculptures, peintures et dessins, ses œuvres « à échelle humaine » sont à la fois polymorphes et plurivoques. Issues d’une lecture critique de l’espace et d’une réflexion sur les mobiliers et dispositifs signalétiques d’exposition, elles mêlent temps de la réflexion, de la production et de la documentation, faisant de l’exposition un temps privilégié de la fixation d’une création et d’une pensée en développement. Il en va ainsi des surfaces en aluminium qu’il présente dans l’exposition et dont certaines silhouettes rappellent aussi bien les flèches d’une signalétique que des « chemises d’artiste ». Ornées de bandes picturales – que Camille Besson utilise comme une signature visuelle –, elles le sont aussi de dessins formés à partir de photographies décalquées sur Ipad. Ces derniers constituent, à travers un travail singulier sur des échelles et niveaux variés de représentation et de pensée, autant de prises de notes que de mises en miroir et en abîme des productions passées et à venir de l’artiste, que celles-ci soient présentées ou non au sein de l’exposition – entre maquettes, œuvres et archives.
La notion de « présence-absence » apparaît dès lors essentielle dans l’ensemble des travaux présentés dans La Capitale : Tomes 1 et 2. À travers cette vision spectrale, intermittente et évanescente de l’artiste, mais aussi des œuvres ainsi que de leurs modes de production et de restitution, tout se passe comme si Camille Besson, Raphaël Rossi, Maxime Testu et Victor Vaysse se faisaient à la fois écrivains, narrateurs et personnages principaux d’un nouveau récit d’apprentissage de la vie artistique parisienne – avec ses fulgurances et ses désillusions –, dans la veine du roman flaubertien. À l’instar de la publication des romans en feuilletons – fréquente à l’époque –, ce premier temps de la présence des quatre artistes dans la Petite Galerie des Tanneries connaitra une suite et fin du 27 juin au 30 août 2020.
[1]HEAD de Genève pour Camille Besson ; ESAD de Reims pour Raphaël Rossi ; ESAD de Reims, ENSBA de Lyon et HEAD de Genève pour Maxime Testu ; ENSBA de Paris et Le Fresnoy – Tourcoing pour Victor Vaysse.
(communiqué de presse de La Capitale: tomes 1 et 2 , Les Tanneries, Amilly, janvier 2020.)

S.T.

« Le Frac Champagne-Ardenne accueille à l’occasion de l’exposition  Plein Jeu #2, Camille Besson, Raphaël Rossi, Maxime Testu et Victor Vaysse, quatre artistes, tous nés entre 1988 et 1990. Une nouvelle occasion pour ces membres de l’artist-run space Le Marquis d’exposer leurs réalisations ensemble quelques mois après l’invitation de Neïl Beloufa au Vingtième Prix Ricard à la Fondation d’entreprise Ricard où ils avaient présenté Has been, hélas […]
Les propositions de Camille Besson, diplômé de la HEAD de Genève, traduisent cette idée d’indécision qui passe par des changements de supports, des tentatives pouvant se muer dans une nouvelle inflexion en tout autre chose. Ils décrit ses réflexions comme des allers-retours entre des espaces dissociés que sont un atelier et un chez-soi. Ainsi, il a commencé par faire la copie de la table basse de son salon en lui donnant le statut de socle pour présenter “une autre pièce” qui concourt elle aussi à affirmer qu’il existe bel et bien un dialogue entre les objets avec lesquels nous cohabitons. Camille Besson cherche à travers des sculptures à déterminer “la signature” de ce langage. Pour lui, les éléments qui habitent nos espaces se répondent et forment une sorte de corpus. De même, il prélève sur des anciennes productions des fragments qui participent eux aussi à créer une famille, “des déchets” qui viennent répondre à des éléments déjà présents comme la froideur de la plaque d’aluminium répond à des textes écrits sur des feuilles colorées ou des dessins. Il crée ce qu’il appelle des “combinaisons nonchalantes”, dont les critères de sélection ne sont pas prédéterminés mais relèvent d’un processus fortuit d’adjonction. Il présente aussi une série de petits cadres pliés à la main au format de l’objet dont le processus de fabrication relève de la même indécision, avec là comme critère le rapprochement avec des petits objets de peinture, avant finalement de les “écrabouiller dans la sculpture”, créant ainsi une sorte d’objet peinture. Un travail d’atelier nécessitant des gestes simples, voire spontanés “qui font que les pièces ne sont pas trop figées”. Son travail exprime une démarche spéculative, qui vient sans cesse se préciser sans jamais atteindre un point final et qui ouvre à un dialogue permanent. »
(Valérie Toubas et Daniel Guionnet, compte rendu de l’exposition Plein jeu #2 au FRAC Champagne-Ardenne, in revue en ligne Point  Contemporain, 2019 )

Notes sur six sculptures

« Camille Besson, Maxime Testu et Raphaël Rossi partagent (avec d’autres artistes) l’atelier du Marquis à l’Île-saint-Denis. Ils y ont déjà co-organisé deux expositions : La Ronde (17 février 2017), et Ristretto (23 juin 2017), Ils ont aussi en commun une approche décomplexée de la sculpture qui se passe de tout alibi conceptuel. C’est de la fabrication d’atelier, point. Assemblages grossiers, serrages apparents, placages à peu près, rivets de travers et serre-cables incertains, le tout avec un brin de sauvagerie. Y aller carrément. Ils lorgnent du côté de la Côte Ouest peu soucieux de l’héritage hexagonal, quitte à revisiter des poncifs : acier soudé et art de l’assemblage. 
[…]
Raphaël Rossi et Camille Besson puisent dans le même stock de boulons. Ils mettent aussi en jeu des éléments qui transitent de sculpture en sculpture : auto-recyclage […]
Les placages de bois et de métal de Camille Besson conservent le souvenir dessiné de projets antérieurs. Les formes découpées, quoique tracées manuellement, semblent avoir été dessinées au perroquet. L’anthropomorphisme n’est jamais loin : le double chevalet supporte un double « gisant », l’autre est une figure « debout ». Marabout-de-ficelle.
Ces six sculptures ne ressemblent à rien, et l’on peu y projeter beaucoup de chose. Lâcher prises, laisser faire, sans retenue. La disposition est volontairement des plus convenues. Une ponctuation de l’espace en quinconce. Refus de l’installation, pont aux ânes de la sculpture contemporaine. Même pas l’excuse de la citation ou de l’allusion cultivée. Pas de déni de la sculpture pour autre chose. En dépit de toutes les tables rases et de toutes les déconstructions. Sans oublier cependant que ces dernières ont eu lieu. Œuvrer après, en avant. »
(Louis Chatel, présentation de l’exposition A Period Room, les Archives modernes, Marsannay-la-Côte, 2017)

La partie et le tout

« Artistes, points de vue, échelles,… tout se trouve au moins en double chez Camille Besson et Vianney Fivel. Dans leur travail, on accède au tout à travers les parties et aux parties à travers le tout. Des qualités émergent de l’organisation d’ensemble et rétroagissent sur les pièces qui conservent néanmoins leur autonomie. D’un même mouvement, le tout est simultanément plus et moins que la somme des parties.
Le duo Besson-Fivel place en effet la notion d’expérience au cœur de sa démarche et l’appréhende toujours selon les formats qui lui sont impartis. Ici, l’exposition ne fait pas seulement médium mais œuvre à part entière.C’est l’exposition comme cadre à la fois conventionnel et expérimental qui conduit à la production d’œuvres qui se répondent et entrent en dialogue.
Ainsi, on ne sait pas toujours où commence et s’arrête l’exposition, comment distinguer les pièces des simples choses. Parfois, les sculptures se détachent et se reconnaissent nettement. D’autres fois, elles se fondent insidieusement dans l’architecture. Le duo joue de cet entre-deux et détourne les dispositifs d’exposition en insérant par exemple des cimaises vides qui prennent alors un aspect sculptural. l’œuvre devient display et le display devient œuvre.
Comme dans un film, l’exposition est une scène ou une séquence fondée sur le montage de pièces qui interagissent les unes sur les autres. Selon un procédé rappelant le célèbre effet Koulechov, le sens de chaque pièce est interdépendant des pièces qui l’entourent, dans une forme de « contamination sémantique » à double direction.
Initialement créée pour les lieux dans lesquels elles s’inscrivent, certaines pièces naviguent parfois d’une exposition à une autre, créant une sorte de lien et de flux entre leurs différentes itérations. passés et à venir. Cet auto-référencement opère alors un double mouvement de fermeture réflexive et de circulation ouverte entre les usages passés et à venir des pièces. Ces fragments sont autant de morceaux détachés d’un tout dont ils sont les indices en même temps qu’ils constituent une forme d’achèvement en eux-mêmes.
Aluminium, Corian, crépi, colle à bois… les matériaux eux aussi sont choisis en fonction de leur capacité à se fondre dans le décor et à se faire oublier. Opère ici le même brouillage et basculement d’un statut à un à un autre, d’un matériel anodin et trivial en œuvre d’art. Les perspectives et points de vue sont démultipliés par ces sculptures aux transparences et aux superpositions qui découpent sans cesse de nouveaux cadrages dans l’espace.
C’est avant tout le parcours et la circulation dans l’espace qui intéressent le duo. Non pas un parcours prédéterminé et défini à l’avance, mais une déambulation que chaque visiteur trace pour lui-même. Ici, nul sens de lecture, ni début ni fin, mais une exposition-œuvre qu’il s’agit d’arpenter et d’expérimenter. C’est pourquoi, davantage qu’un regard concentré et captif, est ici mobilisé un regard distrait qui dérive librement au gré de ses interprétations. »
(Juliette Ihler, présentation de l’exposition Les Visiteurs, Quark, Genève, 2015)

Camille Besson

« Située entre pratiques curatoriales et artistiques, l’approche hybride de Camille Besson est une recherche autour des agencements d’espaces. Tout composant mineur du medium que représente l’exposition, non seulement l’espace architectural, mais aussi les démarches organisationnelles ainsi que les matériaux de médiation, sont investis par l’artiste dans un rapport de complémentarité au sein du processus créatif. Dans le cadre de PLATTFORM15, Camille Besson présente une installation réalisée en collaboration avec Vianney Fivel. Celle-ci se compose d’une part d’une bande-annonce de l’exposition, outil typique de promotion audiovisuelle, permettant d’interroger les limites spatiales et temporelles de l’expérience esthétique. D’autre part, deux sculptures pariétales, réalisées principalement à la colle à bois, enveloppent avec souplesse l’architecture monumentale de l’espace d’exposition. À la dérive, aux marges de la vision, cette œuvre s’affiche comme atmosphérique et flottante.
Il s’agit de trouver des stratégies de camouflage nouvelles, capables de rompre les séquences du regard. Cela permettrait de délester le spectateur de la dictature de l’auteur ; entité collective incluant l’artiste, ou encore les médiateurs et curateurs, et même le personnel en charge de surveiller l’exposition. Tout un apparat destiné au guidage du spectateur et qui cristallise les expériences esthétiques au sein d’un parcours linéaire. Au public, traditionnellement invoqué pour activer l’espace d’exposition, Camille et Vianney substituent le visiteur. Dans un espace dénué de centre, les référents se multiplient en objets polysémiques. Privé d’un appui, le regard du visiteur glisse alors sur les surfaces. Il flâne, sa trajectoire et sa vitesse deviennent insaisissables et imprévisibles.  »
(Sébastien Peter, texte de présentation de l’exposition Plattform15, Zurich, 2015)